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Les « break » efficaces

Par Kanica Saphan

Votre relation est difficile et vous avez besoin d’un moment de répit. Occupé.e avec le travail exigeant, les études, les enfants, les responsabilités quotidiennes, il vous reste très peu d’énergie émotionnelle à dédier à votre relation, aussi chère et précieuse soit-elle.

Vous n’êtes pas nécessairement épuisé.e physiquement, mais vous êtes fatigué.e émotionnellement, et mentalement.

Vous avez besoin d’un break. Ou alors, votre partenaire vous demande cette distance pour réfléchir, pour se déposer, pour se ressourcer. Les dernières semaines ou les derniers mois ont été éprouvants.

Il se louera un AirBnb, ou elle ira dormir chez sa soeur.

Que vous soyez la personne qui a demandé le break, ou la personne qui « subi » le break, soyons d’accord pour dire que la situation est pénible et cause énormément de douleur.

Si vous faites un break, ça veut dire que vous devriez rompre

Vous n’entendrez jamais un.e sexologue dire une généralité aussi simpliste et réductrice. De la même manière que je ne dis pas « S’il y a eu infidélité, le couple doit rompre. »

Les relations sont plus complexes et nuancées que ces phrases généralistes. Ce que j’observe avec mes client.es est qu’une pause (ou une infidélité) est parfois l’événement qui fait renaître le couple. Ces moments de grande détresse permettent parfois au couple de faire tabula rasa, de reconstruire des fondations solides, et de commencer une deuxième relation avec la même personne mais de manière plus réfléchie, plus posée, plus sage.

Les pauses peuvent être efficaces et productives…ou non.

Voici des points à considérer si vous envisagez de prendre un break avec votre partenaire.

Pourquoi prendre un break

Jusqu’à présent, j’ai vu deux raisons pourquoi les gens avaient besoin d’un break : soit pour se ressourcer et regagner de l’énergie émotionnelle, ou soit pour faire un travail de réflexion, un cheminement personnel. Ou un mélange des deux.

Si le terme « énergie émotionnelle » vous semble flou, pensez à la fatigue ressentie après une longue discussion avec votre partenaire concernant un sujet difficile.

Imaginer ressentir cette fatigue jour après jour. Mois après mois. On s’en va vers le burnout amoureux.

Certaines personnes me disent que lorsque leur jauge d’énergie émotionnelle est basse, elles pensent dans leur tête des phrases du genre : « Je l’aime, mais je n’ai pas l’énergie de dealer avec elle/lui. »

Quoi négocier en vue d’une pause

Exclusivité sexuelle ou pas : conversation à manier avec grande sensibilité, pour des raisons évidentes.

La durée : une semaine et un mois ont des implications différentes. Un break, par définition, c’est une séparation temporaire. La temporalité de cette séparation devrait être bien définie pour ne pas jouer dans les insécurités d’un des deux partenaires.

La fréquence et la nature des contacts : préférez-vous faire silence radio pendant cette pause? Ou des appels quotidiens? Est-ce qu’une personne a vraiment besoin de coupure pour y voir plus clair? Si oui, comment combler ce besoin tout en rassurant l’autre partenaire? Si vous gardez contact, voulez-vous éviter certains sujets ou au contraire, vous partager de temps à autre vos réflexions individuelles par rapport à votre couple?

Quand revenir – les conditions de retour

Idéalement, vous êtes ressourcé.e, prêt.e à discuter et vous avez pris ce moment pour avancer dans vos réflexions personnelles.

Votre partenaire vous manque.

Vous avez des sentiments amoureux, vous vous souvenez pourquoi vous êtes tombé.e en amour avec elle/lui initialement.

Vous comprenez mieux ce qui n’allait pas, car votre but n’est pas de revenir à une relation problématique (mais plus énergisé.e) sans vous attaquer à la source du problème.

Vous souhaitez vous investir et continuer le travail relationnel que ça implique.

Votre vision d’une relation de couple est compatible avec l’autre.

La tension a diminué.

Puis finalement, la séparation définitive n’est pas votre option favorite.

Certaines pistes à considérer pour une rupture définitive

Beaucoup d’autres éléments sont à considérer, mais les suivant vous aideront dans votre réflexion :

Il y a détresse conjugale depuis le début de la relation et vous vous sentez malheureuse, malheureux depuis le début.

Vous ne sentez pas que votre partenaire tient à vous personnellement, mais plutôt à la stabilité, au statu quo, etc.

Votre partenaire est fermé.e, ne s’investit pas, ne semble pas vouloir s’améliorer.

Vous sentez avoir tout fait pour cette relation, vous sentez avoir fait plus que votre juste part dans le travail relationnel requis.

Vous avez réfléchi aux conséquences positives et négatives d’une séparation définitive.

Et finalement, l’idée de vous séparer vous soulage.

Le manque de communication

Je vois parfois des couples qui prennent des breaks, mais qui avant ne se parlaient pas réellement, et qui après le break, ne se parlent pas plus.

Dans ces cas, un élément qui mène au break est le manque d’habileté de communication, donc le manque d’échanges francs et honnêtes. L’autre personne me dit : « il/elle me parle pas, elle garde tout à l’intérieur, comment devrais-je deviner? »

Prenons l’exemple de Gabriel et Gabrielle.

Gabriel garde pour lui quelque chose qui le dérange depuis deux semaines. Gabrielle n’a aucune idée.

Gabriel accumule rancoeur et finit par exploser ou imploser, de manière agressive ou passive. Les deux sont alors blessés pour quelque chose qui aurait pu potentiellement être prévisible : Gabriel apprend à s’affirmer et à s’exprimer sans être passif ou agressif, et Gabrielle apprend à créer un espace favorable pour que l’autre se sente en confiance de lui parler.

Cette « pause » de deux semaines n’aura pas été bénéfique parce que Gabriel a continué seul dans sa réflexion sans inclure son partenaire. Il a ruminé.

Dans la même optique, si vous prenez un break, laissez une marge de manœuvre aux conclusions que vous faites, autrement dit, laissez la possibilité à l’autre de s’expliquer.

N’attribuez pas trop rapidement des intentions malveillantes.

Il y a des gens à qui vous pourriez préparer le déjeuner, préparer leur linge le matin parce qu’ils sont en retard et ils répondront « tu veux contrôler ce que je mange, tu veux contrôler ce que je porte ». Voilà ce que je veux dire par « attribution ».

Le contraire peut aussi être vrai : vous avez une longue liste d’exemples qui vous montrent que vous ne devriez pas continuer à investir cette relation. Peut-être faites-vous des attributions positives….là où il n’y en a pas.

De plus, s’il y avait des problèmes de communication au départ, ce n’est pas un break qui va améliorer ça sans que le couple fasse le travail d’acquérir ces habiletés de communication. Habituellement, les couples avec qui je travaille ne sont pas conscients des styles d’interactions nocifs qu’ils utilisent.

Conclusion

Somme toute, cette situation est difficile et cause énormément de peine. Parallèlement, vous devez continuer à travailler, à étudier, à prendre soin de vos enfants, à prendre soin de vous, à cuisiner, à faire l’épicerie, etc. Ça ajoute une lourdeur quotidienne non négligeable.

C’est difficile. Ce texte ne couvrira pas tout ce qui a à explorer pour votre situation spécifique, mais ne restez pas seul.e dans votre tête et dans vos pensées.

Parlez à une professionnelle, ou à des confident.es qui ont une bonne écoute. Car il y a des gens présents pour vous.

N’hésitez pas à partager ce texte avec un.e ami.e qui passe une phase difficile en couple, on ne sait jamais si ça pourrait l’éclairer un peu.

Bonne semaine et bonne réflexion,

Kanica